Secret Professionnel & Orthophonie
Mettons-nous d'accord... secret professionnel ou secret médical ?
L'orthophoniste n’est pas soumis au secret médical, qui, comme son nom l’indique, concerne les médecins.
Certes, nous avons entre les mains des informations relatives à la santé de nos patients. De plus, nous échangeons constamment avec des médecins, puisque tout acte orthophonique doit être réalisé sur prescription médicale. En vérité, il existe une multitude de secrets professionnels différents, en fonction des professions qu’ils encadrent. Le terme « médical », dans la dénomination « secret médical », sert simplement à montrer que dans telle situation, on parle des médecins. Mais les avocats, les banquiers, les notaires aussi sont soumis à un secret professionnel, avec des problématiques différentes puisque leur métier est différent du nôtre. Sur ce site, nous parlerons donc de secret professionnel en ce qui concerne les orthophonistes, en adéquation avec l’article L4344-2 du Code de la santé publique.
Une petite précision sémantique
semble nécessaire au préalable. Vous trouverez ensuite sur cette page l'Histoire du secret professionnel à travers les âges.
Histoire du secret
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Dès l’Antiquité, le secret médical
La notion de secret professionnel remonte au IVème siècle avant J.-C., à l’époque d’Hippocrate, de nos jours considéré unanimement comme le père de la médecine. Hippocrate descendait en réalité d’une famille de médecins se réclamant de la descendance d’Asclépios, le dieu grec de la médecine.[1] Il fut le premier à chercher les causes des maladies et de leur guérison de manière rationnelle, sans faire appel aux dieux. Si ses connaissances anatomiques étaient limitées, il professait en revanche de judicieux conseils d’hygiène de vie et de diététique. Hippocrate fonda une école de médecine sur son île natale de Cos. Pour y entrer, les personnes étrangères au clan devaient professer ce que nous appelons désormais le fameux serment d’Hippocrate. Ce serment, code d’éthique et de déontologie mettant le patient au centre des préoccupations, est toujours prononcé en Occident par les jeunes médecins entrant en exercice. Il contient entre autres les phrases suivantes :
« Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. » [2]
Ceci fut la première apparition du secret en tant que règle à la base de l’exercice d’une profession : en premier lieu, la médecine.
Cette règle semble avoir subsisté par la suite sans qu’il existe, à notre connaissance, de texte officiel en faisant mention au Moyen-Âge. De la Renaissance à la Révolution, le droit de l’Ancien Régime imposait aux médecins, chirurgiens et apothicaires de « ne pas abuser de la confiance qu’on leur a faite et de garder exactement et fidèlement le secret des choses qui sont venues à leur connaissance ».
Puis, en 1810, apparaît dans le Code pénal l’article 378, premier texte de loi réglementant le secret professionnel à proprement parler dont voici le texte d’époque :
« Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes, et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à six mois, et d'une amende de cent francs à cinq cents francs. »
Ce texte, prévoyant déjà des exceptions au secret, rendait dès lors le secret des professionnels de santé moins absolu. Il a depuis été modifié maintes fois, puis abrogé, pour être remplacé par l’article 226-13 du nouveau Code pénal que nous connaissons bien, dont les sanctions sont plus sévères. Nous observons, de plus, un élargissement des informations soumises au secret : l’ancien Code pénal considérait le professionnel comme un confident, alors que le nouveau Code le dit « dépositaire », ce qui correspond mieux à l’idée que l’information secrète n’est pas juste celle qui est dite, mais peut être aussi comprise ou observée.
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Le christianisme et l’apparition d’un nouveau secret
Après les médecins, ce sont historiquement les prêtres qui ont fait du secret l’un de leurs devoirs, lors de l’avènement du christianisme. En effet, les religieux de l’antiquité n’avaient pas d’obligation de ce type envers les fidèles qui venaient les consulter. Le prêtre, ayant le pouvoir d’absoudre le pécheur, a aussi eu dès lors le devoir absolu de ne révéler à quiconque ce qu’il avait entendu en confession. Cela s’est retrouvé dans plusieurs écrits du Moyen-Âge et de la Renaissance, et est toujours valable actuellement au sein de l’église chrétienne.
Par ailleurs, le secret s’est étendu officiellement aux pasteurs protestants en 1598, avec la proclamation de l’édit de Nantes par Henri IV, reconnaissant aux protestants la liberté de pratiquer leur religion : « Les ministres, anciens et diacres de ladite religion ne pourront être contraints de répondre en justice en qualité de témoins pour les choses qui auront été révélées en leurs consistoires lorsqu'il s'agit de censures, sinon que ce fût pour chose concernant la personne du Roi ou la conservation de son État. »
Le droit français reconnaît aujourd’hui le secret professionnel au « ministre du culte » sans distinction de religion, c’est-à-dire à « toute personne établie par la religion considérée pour célébrer des cérémonies et conférer les sacrements admis par cette religion ».
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En droit
Le secret professionnel de l’avocat est d’une autre nature. Alors que les confidences faites au prêtre ou au médecin restent strictement entre celui qui se confie et celui qui reçoit le secret, celles faites à l’avocat ont vocation à être rendues publiques si elles sont utiles à la défense du client. Juridiquement, le Code pénal de 1810 a cadré pour la première fois le secret professionnel des avocats. Cependant, la création de l’Ordre des avocats est bien plus ancienne : elle remonte au règne de l’empereur byzantin Justinien 1er, au VIème siècle après J.-C. Une revue de la littérature ne nous a pas permis de situer depuis quand, précisément, le secret professionnel fait partie du Code de déontologie des avocats, bien qu’il semble avoir traversé les siècles. Le serment professé de nos jours par les jeunes avocats, datant d’une ordonnance de Philippe le Hardi de 1274, est bref et ne fait pas mention d’un devoir de confidentialité :
« Je jure, comme Avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ».[3]
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En orthophonie
En comparaison à ces trois professions, l’orthophonie est un bien jeune métier. En France, le premier lieu d’études orthophoniques a ouvert en 1824. Pourtant, la profession n’a obtenu son statut légal qu’en 1964, date a laquelle a également été créé le Certificat de Capacité d’Orthophoniste. C’est au sein de la loi n° 64-699 du 10 juillet 1964 relative aux professions d’orthophoniste et d’aide-orthoptiste qu’a été promulgué, d’emblée, l’article 504-5, prédécesseur de notre bien connu article L 4344-2 du Code de la santé publique :
« Les orthophonistes et les orthoptistes et les élèves faisant leurs études préparatoires à l'obtention de l'un ou l'autre certificat de capacité sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les réserves énoncées à l’article 378 du code pénal. »
L’article 378 (datant de 1810) mentionné ici est l’ancêtre des articles 226-13 et 226-14 du nouveau Code Pénal entré en vigueur en 1994. Ainsi, en devenant l’article L 4344-2, l’article 504-5 du Code de la santé publique a été modifié pour renvoyer aux nouveaux articles 226-13 et 226-14, mais cela mis à part, est demeuré inchangé.
[1] ‘Hippocrate’, Encyclopédie Larousse (2014).
[2] Ordre National des Médecins, ‘Serment d’Hippocrate’ (2012).
[3] Ordre des Avocats de Paris, ‘Déontologie de L’avocat’.