Secret Professionnel & Orthophonie
Voici, pour chaque situation proposée dans le questionnaire, quelques explications ! Ces "réponses" ne constituent pas des vérités absolues, elles sont davantage à considérer comme des conseils, des pistes de réflexions argumentées.
Situation n°1 :
Cela est impossible.
Quelles que soient les circonstances, et même si l’orthophoniste bénéficie de l’accord de ses patients, il lui est interdit d’accueillir un(e) stagiaire qui n’étudie pas dans une école d’orthophonie. Il est donc également interdit d’accueillir en stage les étudiant(e)s en cours préparatoire aux concours d’entrée en école d’orthophonie.Maude Premier, juriste de la Fédération Nationale des Orthophonistes, l’explique en ces termes : « Cette interdiction est la conséquence du secret professionnel auquel sont soumis les orthophonistes et les étudiants en orthophonie (article L.4344-2 du Code de la Santé Publique et articles 226-13 et 226-14 du Code Pénal). Comme aucune disposition n'est prévue pour d'autres stagiaires que les étudiants en orthophonie, il n'est pas envisageable que ces autres stagiaires puissent assister à des séances de rééducation ».[1]
Toutefois, nous sommes libres d’accorder un entretien à tout jeune intéressé par l’orthophonie pour lui parler du métier.
[1] Maude Premier, ‘Le secret professionnel’, L’Orthophoniste (2012).
Situation n°2 :
Vous avez le droit d'envoyer le compte-rendu au neuropédiatre, si et seulement si vous avez au préalable l’accord d’un responsable légal de notre jeune patient pour échanger avec le neuropédiatre, et pour lui envoyer le compte-rendu de bilan.
Il faut être également sûr que ce neuropédiatre soigne bien l’enfant. Il faut se méfier si le contact ne s’est établi que via cet appel téléphonique. Cela nécessite de demander au médecin traitant ou aux parents du patient de confirmer l’identité du neuropédiatre.
L’orthophoniste, le généraliste, et le neuropédiatre peuvent mettre à profit leurs compétences respectives autour d’un même patient, dans le but de lui apporter la meilleure qualité de soins possible. Cela est une situation de secret professionnel partagé. Le neuropédiatre et l’orthophoniste ont tout intérêt à partager leurs conclusions et leurs questionnements pour aboutir à un diagnostic exact et à une bonne prise en charge du patient. Il est donc possible de partager ses connaissances quant à un patient commun, à moins que celui-ci ne s’y oppose explicitement.
Lire l’article L 1110-4 du code de la santé publique.
[1] Maude Premier, ‘Transmission Du Compte Rendu de Bilan et Secret Professionnel’, Syndicat Départemental des Orthophonistes Provence Alpes Côtes-d’Azur (2014).
Situation n°3 :
Vous pouvez effectuer le bilan puis débuter la prise en charge sans que ses parents ne soient au courant de rien.
Les mineurs, d’après l'article L 1111-5 du code de la santé publique, ont eux aussi droit au secret professionnel. Le texte indique « lorsque le traitement s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne mineure », ce qui nous semble sujet des interprétations variées. On peut estimer qu’un adolescent pourvu d’un trouble de la communication ait un réel besoin d’orthophonie pour conserver sa santé, au moins psychique. A nous d’estimer si l’adolescent est assez mûr pour prendre seul des décisions concernant sa santé ; cela ne sera sûrement pas la même chose à 13 ans qu’à 17 ans. Nous voyons néanmoins que même si un professionnel de santé accepte de suivre le jeune de manière confidentielle, il a le devoir d’essayer de le convaincre de faire part de sa prise en charge à ses parents. S’il persiste dans sa résolution de ne pas mettre ses parents au courant, la loi demande à ce qu’il soit accompagné d’une personne majeure de son choix. En pratique, le régime de Sécurité Sociale de l’adolescent déterminera si il pourra ou non consulter sans que ses parents ne soient au courant. En effet, en dessous de 16 ans, le jeune est affilié au régime de Sécurité Sociale de ses parents et ne possède pas sa propre carte vitale. Il doit venir en séance avec la carte vitale de l’un de ses parents, ce qui signifie que le parent recevra un courrier notifiant de la transaction et sera donc au courant de l’existence de la prise en charge.
A partir de 16 ans, tout jeune possède sa propre carte vitale, mais il y a trois possibilités :
-
Le plus souvent, le jeune reste affilié jusqu’à sa majorité au régime de sécurité sociale de l’un de ses parents en tant qu’ayant-droit. Le parent sera donc automatiquement mis au courant du soin de santé.
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Il est possible pour un mineur de plus de 16 ans de devenir ayant-droit autonome, ce qui permettra de le prendre en charge sans que ses parents ne soient mis au courant : « À partir de l'âge de 16 ans, les ayants droit peuvent être, sur demande de leur part auprès de leur caisse d'Assurance Maladie, des ayants droit autonomes : ils peuvent ainsi bénéficier du remboursement de leurs soins à titre personnel, par virement de leur caisse d'Assurance Maladie sur leur propre compte bancaire ou postal. »[1]
-
Si le jeune est en situation de rupture avec le domicile parental (situation exceptionnelle pouvant être reconnue aux mineurs de plus de 16 ans), son régime de Sécurité Sociale est indépendant de celui de ses parents. Il sera donc possible de le prendre en charge sans que ses parents ne soient au courant de rien.
[1] L’Assurance Maladie, ‘Droits et Démarches’, www.ameli.fr
Situation n°4 :
Etant soumis au secret professionnel, vous ne pouvez en parler à personne. Cette réponse n’est valable que si vous êtes convaincu de l’absence de dangerosité de votre patient.
Il existe trois cas explicitement prévus par la loi où le professionnel soumis au secret professionnel est autorisé à révéler une information. Ces circonstances sont définies par l’article 223-14 du code pénal. La situation présentée ici ne semble relever d’aucune de ces trois exceptions. Nous n’avons donc ni le devoir, ni le droit de révéler les délits de notre patient à qui que ce soit. Attention toutefois à bien évaluer le caractère dangereux ou non du patient dans le cadre de ces délits. S’il existe un doute et que le patient peut être dangereux pour lui-même ou pour autrui, il faut le dénoncer. Imaginons par exemple que cet homme soit pris sur le fait lors d’un vol au supermarché et qu’il réagisse de façon violente, ou que ses habitudes de vol débouchent sur une prise d’otage… L’orthophoniste qui aurait eu vent de ses pratiques pourrait être mis en cause.
Situation n°5 :
Vous ne pouvez pas lui dire de quel syndrome est atteint cet enfant.
Ce médecin ne suit pas ce patient, il n’y a donc pas de partage du secret professionnel entre elle et nous. Nous ne pouvons lui révéler aucune information concernant ce patient.
Comme le dit la psychologue José Morel Cinq-Mars, « Les parents, même professionnels, sont des parents et n’ont de ce fait aucune vocation particulière à en savoir un peu plus sur la vie d’un enfant qui n’est pas le leur, sauf si les parents de l’enfant eux-mêmes l’ont souhaité. »[1]
[1] Morel Cinq-Mars (2006).
Situation n°6 :
Vous ne pouvez pas faire un signalement.
Pour cette réponse, nous nous reportons à l’article 226-14 du code pénal. Cette patiente est majeure et en pleine possession de ses moyens intellectuels. Nous n’avons pas son accord pour en parler. Cela ne coïncide avec aucun des trois cas exceptionnel cités dans l’article. Nous sommes donc tenus au secret professionnel et n’avons pas le droit de parler de cette situation à qui que ce soit.
Nous devons cependant faire notre possible pour aider cette patiente par des moyens qui n’enfreignent pas le secret professionnel (en l’aiguillant vers des structures d’assistance aux femmes battues, par exemple), ou nous pouvons être accusé de non-assistance à personne en danger, tel que l’énonce l’article 223-6 du Code Pénal.
Sans signalement, l’aide que nous sommes en mesure d’apporter peut sembler vaine. Nous citerons cependant Bruno Py, professeur de droit pénal : « Lorsqu’il y a un péril grave, actuel ou imminent, le secours passe parfois par la parole. S’il est des mots qui tuent, il est des mots qui sauvent. ».[1]
[1] Bruno Py, ‘Le secret professionnel et le signalement de la maltraitance sexuelle. L’option de conscience : un choix éthique’, Archives de politique criminelle, n° 34, 71–83 (2012).
Situation n°7 :
Vous pouvez être accusé(e) d'avoir violé le secret professionnel.
Nous regrettons d’avoir choisi le terme « crypté » car nous nous sommes rendu compte a posteriori qu’il était inexact. En somme : si nos données sont accessibles, nous pouvons être accusés d’avoir violé le secret professionnel. Il faut que les données soient au minimum protégées par un mot de passe.
Situation n°8 :
Vous n'avez pas le droit de fournir un tel document.
Nous sommes soumis au secret professionnel et ne pouvons donc pas révéler, à qui que ce soit, des informations apprises dans l’exercice de notre profession. Maude Premier, juriste de la Fédération Nationale des Orthophonistes, parle des exceptions au secret professionnel en regard de la profession d’avocat [1] :
« Les seules exceptions au secret professionnel qui intéressent la profession sont les suivantes :
- si c'est le praticien que l'on accuse et que seule la révélation du secret peut le disculper.
- si le praticien a connaissance d'un crime, il doit en référer aux autorités judiciaires.
Dans votre situation, les exceptions ne sont pas visées. Vous n'avez donc pas besoin de répondre à cet avocat. Rappelez-lui cependant que vous êtes soumise au secret professionnel et qu'à ce titre vous n'êtes pas tenue de produire de tels certificats. »
[1] Premier, ‘Le secret professionnel’ (2012).
Suite de la situation n°8 :
Vous pouvez en parler ouvertement, comme avec le père. Le fait que le père de la fillette ait obtenu la garde exclusive ne signifie pas automatiquement que la mère ait été déchue de son autorité parentale. Le retrait d’autorité parentale est une mesure rare qui doit être prise par un juge dans des circonstances exceptionnelles.[1] Dans cette situation, la mère ne peut plus vivre avec sa fille mais conserve son autorité parentale et, de ce fait, a accès aux informations de santé la concernant.
[1] Service-Public.fr, ‘Retrait de l’autorité parentale’ (Site officiel de l’administration française, 2011)
Situation n°9 :
Vous pouvez dire à votre collègue que votre patient commun éprouve des difficultés de concentration temporaires mais sans en préciser la cause.
Nous nous reportons pour répondre à cette question à l’article L1110-4 du code de la santé publique. Le secret professionnel partagé vise à ce que le patient ait accès au meilleur soin possible. Nous devons en permanence nous rappeler que l’intérêt du patient doit guider toute décision, et que le secret existe dans l’intérêt du patient. Pour cela, nous devons transmettre aux autres professionnels de santé qui suivent notre patient toutes les informations qui seront utiles à sa prise en charge. Tout ce qui ne va pas potentiellement aider notre collègue à suivre au mieux notre patient commun ne la concerne pas, et nous n’avons pas le droit de le lui dire. La curiosité, aussi bien intentionnée soit-elle, ne crée pas la nécessité. De plus, exposer à autrui les confidences de notre patient mettrait en danger la relation de confiance établie avec nous.
D’autre part, selon le même article de loi, le patient doit être « dûment averti » que son thérapeute échange des informations sur sa prise en charge avec un collègue.
Situation n°10 :
Uniquement ce qui est nécessaire au reste de l'équipe pour aider au mieux le patient.
Nous nous référons ici une nouvelle fois à l’article L1110-4 du Code de la Santé Publique.
Ainsi, on voit que dans un service hospitalier (qui est un établissement de santé), les membres de l’équipe soignante n’ont pas besoin de recueillir l’accord explicite du patient pour partager certaines informations, puisque « les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe ». Toutefois, le but du partage est toujours d’offrir la meilleure prise en charge possible au patient, et non de répondre à la curiosité des membres de l’équipe. On considèrera donc qu’on ne peut partager avec ses collègues que ce qu’il leur est nécessaire de savoir quant au patient. Il appartient à chaque professionnel d’évaluer cela. Par exemple, si notre patient nous fait part d’idées suicidaires, nous devons en parler, car il peut être un danger envers lui-même. Mais nous ne pouvons pas faire part d’anecdotes, de détails, de confidences… qui ne sont pas indispensables à une bonne prise en charge pluridisciplinaire.
Situation n°11 :
Vous avez la liberté de communiquer cette information aux enseignants en vertu du secret professionnel partagé.
Cependant, il est difficile de déterminer avec certitude si l’enseignant spécialisé est soumis au secret professionnel. Selon le Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, l’enseignant spécialisé « agit selon une éthique professionnelle consciente du devoir de réserve et de l’obligation de discrétion de tout fonctionnaire, et respectueuse du droit au secret de l’élève et de sa famille, conformément à la loi. »[1]
Cela semble indiquer que les enseignants spécialisés ne sont pas soumis au secret professionnel de par leur fonction. Il ne semble pas exister d’autre texte officiel concernant les enseignants spécialisés et le secret professionnel. Toutefois, l’article L1110-4 du Code de la Santé Publique précise :
« Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé, ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. »
Nous pouvons considérer qu’un institut pour jeunes sourds, étant au carrefour de l’éducation et de la santé, s’insère dans le système de santé dont fait mention cet article. Ainsi, nous considérerons que les enseignants spécialisés sont soumis au secret professionnel, et que nous pouvons partager avec eux les informations qui leurs sont nécessaires. Dans ce contexte, connaître le degré de surdité des élèves est pour eux une information primordiale. En effet, en plus de leur permettre d’adapter leur façon de travailler avec l’enfant, cela peut s’avérer déterminant dans une situation d’urgence : par exemple, si un enfant a une surdité profonde et qu’une alarme incendie retentit, il ne l’entendra pas. L’enseignant doit savoir qu’il lui faut informer cet élève spécifiquement du danger.
[1] Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, ‘Bulletin Officiel’, www.education.gouv.fr (2004).
Situation n°12 :
Vous ne pouvez rien lui dire du tout tant que vous n'avez pas eu la permission explicite des parents d'échanger avec l'enseignante.
Il nous faut être extrêmement prudent(e) dans cette situation. Nous n’avons pas le droit de révéler à l’enseignante quoique ce soit avant d’avoir eu l’accord explicite des parents. En théorie, il nous faut mettre fin à cet appel téléphonique et contacter les parents du patient concerné, afin de leur exposer ce que nous pensons transmettre à l’enseignante. Une fois leur accord obtenu, il est permis de rappeler l’enseignante et de discuter avec elle.
Le fait d’échanger à l’oral ne nous donne pas le droit d’en dire davantage qu’à l’écrit, et vice-versa.
Situation n°13 :
Vous ne pouvez contacter l'autre orthophoniste que si les parents vous y ont explicitement autorisée.
Bien que cette situation soit inconfortable, nous n’avons pas le droit de contacter l’autre orthophoniste sans avoir la permission explicite d’un responsable légal de notre jeune patiente (si elle est mineure), ou de notre patiente elle-même. Quoi qu’il en soit, si notre patiente est munie d’une ordonnance, nous devons effectuer le bilan.
Situation n°14 :
Vous n’avez pas le droit d’annoncer le diagnostic.
Tout patient est en droit d’avoir accès aux informations de santé qui le concernent, et le secret professionnel ne saurait lui être opposé. Néanmoins, ce diagnostic n’est pas le nôtre, il ne fait pas partie de notre champ de compétence. De plus, nous ne sommes pas formé(e)s à l’annonce d’un tel diagnostic, qui peut être lourd de conséquences. En cas de problème, cela peut se retourner contre nous.
Situation n°16 :
Vous n'avez pas le droit de l'informer du diagnostic, même après la mort du patient.
Après la mort d’un patient, le secret professionnel peut être levé uniquement pour ses ayants-droit, dans certaines circonstances.
« Les motifs autorisant la communication des informations sont au nombre de trois : connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt, faire valoir un droit. ».[1]
Voici un tableau récapitulant l’identité des ayants-droit (ANAES, février 2004) :
Ici, l’ami de notre patient décédé ne faisant pas partie des ayants-droit, il nous est interdit de dévoiler le diagnostic. Nous ne pouvons que lui conseiller de contacter directement la famille du défunt, qui a la liberté de l’informer ou non du diagnostic.
[1] Dominique Poisson, ‘Que devient le secret médical après le décès d’une personne ?’, Laennec, Tome 55, 49–58 (2007).
Situation n°17 :
Selon Maude Premier, nous pouvons soit remettre le compte-rendu en main propre, soit l’envoyer par voie postale, en courrier recommandé avec accusé de réception :
« Pour ce qui est de la transmission des dossiers il est également vivement conseillé de les transmettre soit par remise en main propre soit par lettre recommandée avec accusé de réception afin de préserver au maximum la confidentialité. » [1]
Il semble utile de noter que la phrase « remis en main propre pour faire valoir ce que de droit » n’est en aucun cas obligatoire.
La question de l’apposition du tampon du cabinet ou de l’institution sur l’enveloppe est sujette à polémiques. En effet, plusieurs décisions de justice ont été rendues par le passé, condamnant ce type de pratique. En effet, qu’il s’agisse du facteur, d’un voisin ou d’un membre de la famille, plusieurs personnes peuvent être amenées à voir cette enveloppe avant qu’elle ne soit remise au destinataire. Le nom de l’émetteur et sa profession indiquent qu’il a consulté le professionnel en question.
Néanmoins, la question a été posée par un sénateur au Ministère de la santé et des sports, dont la réponse, publiée dans le journal officiel du 21 mai 2009, a été :
« L'apposition du cachet du praticien sur l'enveloppe n'est pas en contradiction avec ce principe du secret car le tampon ne révèle que la consultation par la personne de ce praticien ou de ce service, en aucun cas le contenu de la consultation, encore moins le diagnostic. » [2]
[1] Premier, ‘Le secret professionnel’ (2012).
[2] Premier, ‘Transmission Du Compte Rendu de Bilan et Secret Professionnel’ (2014).
Situation n°18 :
Vous pouvez en fournir une mais uniquement en la confiant au patient ou à son représentant légal.
Pour cette réponse, nous citerons encore une fois Maude Premier[1] :
« Le secret professionnel est une obligation pour l’orthophoniste, mais surtout un droit pour le patient. C’est pourquoi, il est essentiellement mis en œuvre dans l’intérêt du patient. Si ce dernier vous demande de lui fournir une attestation le concernant, vous êtes tout à fait en droit de lui fournir dès l’instant où il ne concerne que la rééducation orthophonique que vous pratiquez (l’attestation sera fournie aux parents responsables de l’enfant si celui-ci est mineur). Le patient est ensuite libre d’utiliser cette attestation comme il le désire. En revanche, vous ne pouvez en aucun cas fournir vous-même ce type de document à un tiers (à l’instituteur par exemple) sans violer le secret professionnel. »
[1] Premier, ‘Le secret professionnel’ (2012).
Situation n°19 :
Vous pouvez en parler au médecin traitant.
Vous avez le droit de ne rien faire.
Et, avec la plus grande prudence :
Vous pouvez contacter l'Aide Sociale à l'Enfance.
Vous pouvez faire un signalement au procureur de la République.
Vous pouvez faire une déposition au commissariat de police.
Le médecin traitant est à même de faire un diagnostic de maltraitance. L’orthophoniste, bien qu’ayant une place privilégiée pour détecter la maltraitance (car nous voyons l’enfant fréquemment et seul à seul), n’a pas les mêmes outils que le médecin traitant pour faire ce diagnostic. Il nous faut donc le contacter, voir avec lui ce qu’il en pense et comment agir.
Si nous ne souhaitons pas passer par le médecin traitant (quelle qu’en soit la raison), nous avons le droit de faire un signalement à un policier, au procureur de la République ou à l’Aide Sociale l’Enfance, comme tout citoyen, et ce même si nous ne sommes pas parfaitement sûr que l’enfant est effectivement maltraité. Il nous faut toutefois être extrêmement prudent, car une dénonciation erronée peut avoir des conséquences dramatiques pour la famille concernée. De plus, notre responsabilité est engagée, et cet acte peut, pénalement, se retourner contre nous.
L’article L 226-2-2 du code de l’action sociale et des familles, créé en 2007, assouplit d’ailleurs les conditions de partage du secret professionnel dans un cas de suspicion de maltraitance.
Enfin, en cas d’hésitation, nous avons aussi le droit de ne rien faire, car l’existence du secret professionnel nous le permet. En effet, l’article 434-3 du code pénal, qui impose à tout citoyen de signaler la situation de maltraitance dont il est au courant, fait mention d’une exception pour les personnes soumises au secret professionnel.
Situation n°20 :
Vous devez remettre le compte-rendu de bilan au tuteur et traiter avec lui des modalités de la prise en charge.
Cela est le cas si la patiente est sous tutelle complète. La tutelle est un régime de protection pour des personnes souffrant d’une altération de leurs facultés mentales ou corporelles. C’est une mesure de représentation (et non d’accompagnement, ce qui la différencie de la curatelle), c’est-à-dire que les personnes sous tutelle doivent être représentées dans les actes de la vie civile. L’article L1111-2 du code de la Santé Publique indique cependant que toute personne doit être informée de son état de santé.
Ainsi, nous devons informer le tuteur des résultats de notre bilan, puisque le tuteur représente notre patient. Il faut également informer la patiente elle-même, car le fait qu’elle soit sous tutelle ne lui enlève pas le droit à être informée sur son état de santé. Elle doit, autant que possible, participer aux décisions la concernant. Si notre patiente est sous tutelle partielle, il est possible qu’elle ait conservé le droit d’accomplir seule certains actes, limitativement énumérés par le juge des tutelles, parmi lesquels se trouve, peut-être, la gestion de sa santé.
Situation n°21 :
Vous n'avez pas le droit de répondre à ces questions.
Les policiers doivent revenir avec un mandat et saisir nos dossiers. Cela ne fait pas partie des exceptions au secret professionnel, prévues par l’article 213-14 du code pénal.
Situation n°22 :
Vous n'avez pas le droit de lui répondre puisque vous êtes soumis(e) au secret professionnel.
Cette réponse est valable si la situation nous semble sans danger. Néanmoins, nous jugeons a posteriori que la situation énoncée ici est trop vague. Ainsi, cela dépend de l’âge de la jeune fille et de la gravité de la situation.
En effet, les mineurs aussi ont droit au secret professionnel, comme nous l'apprend l'article 1111-5 du code de la santé publique. De plus, parler à sa mère de quelque chose que notre jeune patiente nous a confié pourrait ébranler la confiance qu’elle nous porte.En revanche, si la situation paraît inquiétante, et que cela a des répercussions sur la santé de la jeune fille, nous pouvons évidemment en parler à sa mère, a fortiori si notre patiente est une jeune adolescente.